also see
http://handke-drama.blogspot.com/2011/12/die-schonen-tage-von-aranjuez.html
http://handke-drama.blogspot.com/2014/01/los-hermosos-dias-de-aranjuez-de-peter.html
Par une belle nuit, pas si obscure, vous sortez du Théâtre de l'Odéon, et une question vous tarabuste : pourquoi ces Beaux Jours d'Aranjuez,avec lesquels Luc Bondy inaugure son mandat de directeur, n'ont-ils pas suscité l'émotion escomptée, dans une salle qui pourtant, en ce soir de première du 12 septembre, était en grande partie acquise d'avance ?
Tous les ingrédients étaient là : un texte magnifique de Peter Handke, dont Les Beaux Jours marquent le retour en majesté au théâtre, après la polémique de 2006 qui avait fait suite à la déprogrammation d'une de ses pièces
à la Comédie-Française, en raison des positions contestables de
l'écrivain sur la guerre en ex-Yougoslavie. Deux grands acteurs - une
grande actrice, surtout, Dörte Lyssewski, accompagnée de Jens Harzer. Et le talent habituel de Luc Bondy.
La réponse est bête à pleurer : le surtitrage bâclé a en grande partie gâché la soirée. Luc Bondy a choisi d'ouvrir sa
première saison avec ce spectacle créé au Festival de Vienne. Le texte
de Peter Handke, qui a été écrit en français, est donc joué en allemand.
Et surtitré, dans des conditions assez peu dignes d'une grande maison
comme l'Odéon : l'écran de surtitrage, placé beaucoup trop haut, oblige
les spectateurs non-germanistes à une gymnastique incessante, peu propre à favoriserl'écoute attentive de cette partition subtile.
Mais
surtout, le texte proposé en français à la lecture n'est pas celui de
Handke : réduit, dénaturé (retraduit de l'allemand ?) et accessoirement
bourré de fautes d'orthographe, il arrive de surcroît souvent en décalé.
Tout cela dit, revenons à l'essentiel, la partition, donc, d'une rare beauté composée par l'auteur de L'Heure de la sensation vraie. Une partition, oui, plus qu'une pièce de théâtre. Un homme, une femme, un jour d'été. "Une
femme et un homme sous des arbres invisibles, seulement audibles, avec
un vent d'été doux qui, d'un temps à l'autre, rythme la scène", écrit Peter Handke avant que leur dialogue ne commence. "C'est comme si s'écoulait, avec chaque bruissement des arbres, une heure, ou un jour entier."
Ils
sont là, dans ce temps suspendu, sans que l'on sache vraiment quel lien
les unit, et dans un jeu étrange, qui a ses règles, avec leurs
transgressions. L'homme demande : "la première fois, toi avec un homme, c'était comment" ? Ils sont là, dans la profusion du monde, sa vibration, qu'ils sont encore capables de percevoir : un faucon s'envole entre les arbres, des libellules "sans lac, sans eau visible", fontentendre le crissement de leurs ailes.
Tout Peter Handke est là, le temps et l'absence, la lumière et l'ombre, et la question de comment être au monde, lui appartenir,
dans ce monde-ci où le vacarme a recouvert le bruissement des êtres et
des choses. Quelles sont les possibilités de l'amour, de la beauté, dans
un tel univers, où la guerre des sexes a été déclarée ? Les Beaux Jours d'Aranjuez - le titre de la pièce renvoie explicitement au premier vers du Don Carlos de Schiller : "les beaux jours d'Aranjuez sont passés..." -
jouent sur ce sentiment du paradis perdu - éternellement perdu. Dans le
texte de Peter Handke, une pomme circule entre l'homme et la femme.
Cette
pomme ne figure pas dans la mise en scène de Luc Bondy - il n'en reste
que la trace, le fantôme, dans la main des deux acteurs. Cette mise en
scène prend un parti très net. Pas d'arbres, pas de nature bruissante,
sur le plateau de l'Odéon. Comme dans un tableau d'Edward Hopper, la scène a lieu derrière le rideau de théâtre, et la nature n'est plus qu'un tableau, une représentation.
Dörte Lyssewski et Jens Harzer sont deux fauves de théâtre, qui se blessent, se dévorent, s'aimantent et essaient de se donner de la douceur, comme ils pourraient le faire dans une pièce de Tennessee Williams - lequel Tennessee court lui aussi comme un drôle de fantôme tout au long de la pièce.
Dörte Lyssewski, fantastique, atmosphérique - il faudrait un article entier uniquement pour décrire tout ce qui passe sur le visage et le corps de cette actrice - marche comme les danseuses dans les spectacles de Pina Bausch, et cela n'a évidemment rien d'un hasard. Paradis perdu, beauté du monde recréée - ou lue ? - par l'art.
La fin est très belle, qui voit le rideau rouge du théâtre - dans le théâtre, au milieu de la scène, jusqu'ici fermé - s'ouvrir lentement,
très lentement, dévoilant un ciel nocturne piqué d'étoiles. La
représentation, le théâtre, ouvre sur la nuit et sur le monde, comme
l'écriture de Peter Handke ouvre le regard.
Quel dommage que ces Beaux Jours d'Aranjuez n'aient pu tenir cette
note à la fois profonde et aérienne tout au long de la représentation. A
la fin, à la toute fin seulement, on saura que l'homme s'appelle
Fernando, et la femme, Soledad.
Die schönen Tage von Aranjuez (Les Beaux Jours d'Aranjuez), de Peter Handke (le
texte est publié aux éditions Le bruit du temps). Mise en scène : Luc
Bondy. Avec Dörte Lyssewski et Jens Harzer. Théâtre de l'Odéon, place de
l'Odéon, Paris 6e. Tél. : 01-44-85-40-40. Les 13, 14 et 15 septembre à 20 heures. De 6 € à 34 €. En allemand surtitré. Durée : 1 h 45.
Sur le Web : www.theatre-odeon.fr.
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REVUE DE PRESSE - La piècede
Peter Handke, mise en scène par Stanislas Nordey en ouverture de la
67ème édition du Festival d'Avignon, est très controversée, entre ode à
la poésie et ennui.
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Alors que certains critiques font l'éloge d'un texte poétique, placé au centre par la mise en scène deStanislas Nordey,
d'autres fustigent l' intellectualisme ennuyeux, dénoncent
l'immobilisme des corps sur la scène et ne comprennent pas le choix d'un
décor épuré dans une arène aux possibiilités sonores et visuelles
gigantesques. La durée de Par les villages dePeter Handke, quatre heures, ponctuées d'un entracte de vingt minutes, ne fait qu'accentuer les divergences d'opinion.
Centré sur la condition tragique d'ouvriers aliénés, la pièce s'est ouverte in medias res le
7 juillet par un prologue improvisé par le Syndeac (syndicat des
entreprises artistiques et culturelles). Comme chaque année, ces
derniers ont exprimé leurs inquiétudes pour les métiers du spectacles
qui doivent faire face à une rigueur budgétaire de plus en plus sévère.
Ces paroles ont alors entraîné d'autres discours contestataires dans le
public, dénonçant le libéralisme à tout-va, la mort de la télévision
publique grecque, etc... Aurélie Filippetti, présente dans l'assemblée,
est restée de marbre.
Les
discussions se poursuivent dans les journaux et sur la toile, cette
fois sur la mise en scène de Stanislas Nordey, ouvrant un débat plus
général sur le théâtreen Avignon. Les partisans du théâtre-texte face aux théâtre-spectacle s'y affrontent. La Croix et Les Échos ne font que des éloges sur la mise en scène. Le quotidien catholiqueconsidère
que la pièce se marie admirablement au lieu: «À l'immensité du verbe
répond celle de la cour(....) Qui a dit que le Festival d'Avignon
n'était plus celui du verbe et de la poésie?» La vidéo et le tweet de
Philippe Chevilley, rédacteur en chef culture aux Échos titrés «Un grand poème dans la Cour d'honneur» abondent dans ce même sens.
Annie Mercie, plébiscitée pour sa gouaille
Les autres journaux n'entendent cependant pas le texte de la même oreille... Marianne,Le Parisien et La Provence, s'accordent pour fustiger la longueur de la pièce. Le Parisienécrit:
«La magie opère parfois, mais en quelque 4 heures de représentation,
elle cède souvent le pas à l'ennui. Le texte, traversé de fulgurances,
n'est pas toujours facile à suivre, avec ses longues envolées.» et La Provence titre: Festival d'Avignon, radical «Par les villages».
Contrairement
à sa mise en scène, beaucoup critiquée, le jeu de Stanislas Nordey fait
en revanche l'unanimité. «Nordey l'ouvrier y est lui-même magistral de
vérité, (son interprétation) douce et violente à la fois, au comble de
son génie d'acteur, enfiévrée d'une lumière secrète.» Libération de son côté est catégorique: «Du côté des femmes, c'est moins bien.»
Toutefois, des différences se font sentir entre les comédiennes. Armelle Héliot pour Le Figaro considère
qu'Emmanuelle Béart rayonne dans le rôle de Sophie alors que Jeanne
Balibar dans le rôle de Nova est peu convaincante. Selon Le Parisien l'enchanteresse
n'est ni l'une ni l'autre: «On attendait beaucoup d'Emmanuelle Béart et
de Jeanne Balibar, mais dans cette fable ouvrière, c'est finalement
Annie Mercier qui enchante, dans le rôle de la gardienne du chantier,
avec sa gouaille et son épaisseur de femme qui a beaucoup vécu.»
--
Stanislas Nordey met en scène « Par les villages », de Peter Handke, à la Cour d'honneur du Palais des papes, à Avignon.
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Huit
baraques de chantier bleues surmontées de néon donnent un air incongru à
la Cour d'honneur du Palais des papes. Dans le cadre du Festival d'Avignon,Stanislas Nordey a choisi de monter Par les villages, de l'auteur et cinéaste autrichien Peter Handke.
Ce «poème dramatique» avait été créé en France en 1984 par Claude Régy.
Composé de monologues, il fait la part belle au verbe et à une poésie,
parfois absconse. Gregor (Laurent Sauvage) devenu écrivain revient dans
son village natal pour régler une affaire d'héritage avec son frère,
ouvrier dans le bâtiment (Stanislas Nordey) et sa sœur (Emmanuelle
Béart), vendeuse, «sans déplaisir, mais sans haine, ni passion». Ce
récit autobiographique est du pain bénit pour Stanislas Nordey, il lui
permet de célébrer la langue avec une troupe qu'il connaît bien. Outre
son compagnon de route, Laurent Sauvage, saluons Annie Mercier,
énergique intendante de chantier, et Véronique Nordey, sa mère. Le
travail de Stanislas Nordey repose sur la transmission de la parole et
le jeu, quasi parfait, des acteurs au détriment de la mise en scène.
Avec lui, les comédiens ont l'opportunité de montrer l'étendue de leur
savoir-faire.
Métaphorique et philosophique
Face
au spectateur, à tour de rôle, droits comme des «i», figés dans des
attitudes hiératiques, ils disent, racontent, exhortent, haranguent,
reprochent, crient, supplient, menacent, s'attristent, prédisent.
Distinctement. À l'instar d'un coryphée, tandis que les autres écoutent
et regardent. Saisis comme des chiens d'arrêt. Le public, lui, n'aura
pas cette capacité marmoréenne de concentration. Entre le soleil se
couchant - le spectacle commence à 21 heures - et la nuit noire, il se
perd un peu dans des circonvolutions métaphoriques et philosophiques.
Peter
Handke part de son vécu pour évoquer la condition sociale, humaine,
s'interroger sur la réalité et les rêves, mais l'heure avançant, il est
de plus en plus difficile de le suivre à la lettre. Des mélodies et même
des sons de cloche joués en direct sur une guitare électrique ne
parviennent pas à maintenir l'attention jusqu'au bout. Le monologue de
Jeanne Balibar, curieuse pythie à talons et mains dans les poches d'un
jean, nouvelle recrue du metteur en scène, achève de décourager le
spectateur le plus motivé. Le flot continu de paroles qui l'a d'abord
happé et fasciné l'emporte dans une vague d'où émerge une profonde
lassitude.
• Cour d'honneur du Palais des papes,
Avignon (84). Le 8, 10, 11, 12 et 13 juillet. Pièce éditée chez
Gallimard. Location au 04 90 14 14 14. Du 5 au 30 novembre au Théâtre de
la Colline, Paris (XXe) et en tournée.
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