Sunday, October 26, 2014

LES BELLES JOUR DE ARANJUEZ

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Par une belle nuit, pas si obscure, vous sortez du Théâtre de l'Odéon, et une question vous tarabuste : pourquoi ces Beaux Jours d'Aranjuez,avec lesquels Luc Bondy inaugure son mandat de directeur, n'ont-ils pas suscité l'émotion escomptée, dans une salle qui pourtant, en ce soir de première du 12 septembre, était en grande partie acquise d'avance ?

Tous les ingrédients étaient là : un texte magnifique de Peter Handke, dont Les Beaux Jours marquent le retour en majesté au théâtre, après la polémique de 2006 qui avait fait suite à la déprogrammation d'une de ses pièces à la Comédie-Française, en raison des positions contestables de l'écrivain sur la guerre en ex-Yougoslavie. Deux grands acteurs - une grande actrice, surtout, Dörte Lyssewski, accompagnée de Jens Harzer. Et le talent habituel de Luc Bondy.
La réponse est bête à pleurer : le surtitrage bâclé a en grande partie gâché la soirée. Luc Bondy a choisi d'ouvrir sa première saison avec ce spectacle créé au Festival de Vienne. Le texte de Peter Handke, qui a été écrit en français, est donc joué en allemand. Et surtitré, dans des conditions assez peu dignes d'une grande maison comme l'Odéon : l'écran de surtitrage, placé beaucoup trop haut, oblige les spectateurs non-germanistes à une gymnastique incessante, peu propre à favoriserl'écoute attentive de cette partition subtile.
Mais surtout, le texte proposé en français à la lecture n'est pas celui de Handke : réduit, dénaturé (retraduit de l'allemand ?) et accessoirement bourré de fautes d'orthographe, il arrive de surcroît souvent en décalé.
Tout cela dit, revenons à l'essentiel, la partition, donc, d'une rare beauté composée par l'auteur de L'Heure de la sensation vraie. Une partition, oui, plus qu'une pièce de théâtre. Un homme, une femme, un jour d'été. "Une femme et un homme sous des arbres invisibles, seulement audibles, avec un vent d'été doux qui, d'un temps à l'autre, rythme la scène", écrit Peter Handke avant que leur dialogue ne commence. "C'est comme si s'écoulait, avec chaque bruissement des arbres, une heure, ou un jour entier."
Ils sont là, dans ce temps suspendu, sans que l'on sache vraiment quel lien les unit, et dans un jeu étrange, qui a ses règles, avec leurs transgressions. L'homme demande : "la première fois, toi avec un homme, c'était comment" ? Ils sont là, dans la profusion du monde, sa vibration, qu'ils sont encore capables de percevoir : un faucon s'envole entre les arbres, des libellules "sans lac, sans eau visible", fontentendre le crissement de leurs ailes.
Tout Peter Handke est là, le temps et l'absence, la lumière et l'ombre, et la question de comment être au monde, lui appartenir, dans ce monde-ci où le vacarme a recouvert le bruissement des êtres et des choses. Quelles sont les possibilités de l'amour, de la beauté, dans un tel univers, où la guerre des sexes a été déclarée ? Les Beaux Jours d'Aranjuez - le titre de la pièce renvoie explicitement au premier vers du Don Carlos de Schiller : "les beaux jours d'Aranjuez sont passés..." - jouent sur ce sentiment du paradis perdu - éternellement perdu. Dans le texte de Peter Handke, une pomme circule entre l'homme et la femme.
Cette pomme ne figure pas dans la mise en scène de Luc Bondy - il n'en reste que la trace, le fantôme, dans la main des deux acteurs. Cette mise en scène prend un parti très net. Pas d'arbres, pas de nature bruissante, sur le plateau de l'Odéon. Comme dans un tableau d'Edward Hopper, la scène a lieu derrière le rideau de théâtre, et la nature n'est plus qu'un tableau, une représentation.
Dörte Lyssewski et Jens Harzer sont deux fauves de théâtre, qui se blessent, se dévorent, s'aimantent et essaient de se donner de la douceur, comme ils pourraient le faire dans une pièce de Tennessee Williams - lequel Tennessee court lui aussi comme un drôle de fantôme tout au long de la pièce.
Dörte Lyssewski, fantastique, atmosphérique - il faudrait un article entier uniquement pour décrire tout ce qui passe sur le visage et le corps de cette actrice - marche comme les danseuses dans les spectacles de Pina Bausch, et cela n'a évidemment rien d'un hasard. Paradis perdu, beauté du monde recréée - ou lue ? - par l'art.
La fin est très belle, qui voit le rideau rouge du théâtre - dans le théâtre, au milieu de la scène, jusqu'ici fermé - s'ouvrir lentement, très lentement, dévoilant un ciel nocturne piqué d'étoiles. La représentation, le théâtre, ouvre sur la nuit et sur le monde, comme l'écriture de Peter Handke ouvre le regard.
Quel dommage que ces Beaux Jours d'Aranjuez n'aient pu tenir cette note à la fois profonde et aérienne tout au long de la représentation. A la fin, à la toute fin seulement, on saura que l'homme s'appelle Fernando, et la femme, Soledad.

Die schönen Tage von Aranjuez (Les Beaux Jours d'Aranjuez), de Peter Handke (le texte est publié aux éditions Le bruit du temps). Mise en scène : Luc Bondy. Avec Dörte Lyssewski et Jens Harzer. Théâtre de l'Odéon, place de l'Odéon, Paris 6e. Tél. : 01-44-85-40-40. Les 13, 14 et 15 septembre à 20 heures. De 6 € à 34 €. En allemand surtitré. Durée : 1 h 45.
Sur le Web : www.theatre-odeon.fr.

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REVUE DE PRESSE - La piècede Peter Handke, mise en scène par Stanislas Nordey en ouverture de la 67ème édition du Festival d'Avignon, est très controversée, entre ode à la poésie et ennui.
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Alors que certains critiques font l'éloge d'un texte poétique, placé au centre par la mise en scène deStanislas Nordey, d'autres fustigent l' intellectualisme ennuyeux, dénoncent l'immobilisme des corps sur la scène et ne comprennent pas le choix d'un décor épuré dans une arène aux possibiilités sonores et visuelles gigantesques. La durée de Par les villages dePeter Handke, quatre heures, ponctuées d'un entracte de vingt minutes, ne fait qu'accentuer les divergences d'opinion.
Centré sur la condition tragique d'ouvriers aliénés, la pièce s'est ouverte in medias res le 7 juillet par un prologue improvisé par le Syndeac (syndicat des entreprises artistiques et culturelles). Comme chaque année, ces derniers ont exprimé leurs inquiétudes pour les métiers du spectacles qui doivent faire face à une rigueur budgétaire de plus en plus sévère. Ces paroles ont alors entraîné d'autres discours contestataires dans le public, dénonçant le libéralisme à tout-va, la mort de la télévision publique grecque, etc... Aurélie Filippetti, présente dans l'assemblée, est restée de marbre.
Les discussions se poursuivent dans les journaux et sur la toile, cette fois sur la mise en scène de Stanislas Nordey, ouvrant un débat plus général sur le théâtreen Avignon. Les partisans du théâtre-texte face aux théâtre-spectacle s'y affrontent. La Croix et Les Échos ne font que des éloges sur la mise en scène. Le quotidien catholiqueconsidère que la pièce se marie admirablement au lieu: «À l'immensité du verbe répond celle de la cour(....) Qui a dit que le Festival d'Avignon n'était plus celui du verbe et de la poésie?» La vidéo et le tweet de Philippe Chevilley, rédacteur en chef culture aux Échos titrés «Un grand poème dans la Cour d'honneur» abondent dans ce même sens.
Annie Mercie, plébiscitée pour sa gouaille
Les autres journaux n'entendent cependant pas le texte de la même oreille... Marianne,Le Parisien et La Provence, s'accordent pour fustiger la longueur de la pièce. Le Parisienécrit: «La magie opère parfois, mais en quelque 4 heures de représentation, elle cède souvent le pas à l'ennui. Le texte, traversé de fulgurances, n'est pas toujours facile à suivre, avec ses longues envolées.» et La Provence titre: Festival d'Avignon, radical «Par les villages».
Contrairement à sa mise en scène, beaucoup critiquée, le jeu de Stanislas Nordey fait en revanche l'unanimité. «Nordey l'ouvrier y est lui-même magistral de vérité, (son interprétation) douce et violente à la fois, au comble de son génie d'acteur, enfiévrée d'une lumière secrète.» Libération de son côté est catégorique: «Du côté des femmes, c'est moins bien.»
Toutefois, des différences se font sentir entre les comédiennes. Armelle Héliot pour Le Figaro considère qu'Emmanuelle Béart rayonne dans le rôle de Sophie alors que Jeanne Balibar dans le rôle de Nova est peu convaincante. Selon Le Parisien l'enchanteresse n'est ni l'une ni l'autre: «On attendait beaucoup d'Emmanuelle Béart et de Jeanne Balibar, mais dans cette fable ouvrière, c'est finalement Annie Mercier qui enchante, dans le rôle de la gardienne du chantier, avec sa gouaille et son épaisseur de femme qui a beaucoup vécu.»

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Stanislas Nordey met en scène « Par les villages », de Peter Handke, à la Cour d'honneur du Palais des papes, à Avignon.
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Huit baraques de chantier bleues surmontées de néon donnent un air incongru à la Cour d'honneur du Palais des papes. Dans le cadre du Festival d'Avignon,Stanislas Nordey a choisi de monter Par les villages, de l'auteur et cinéaste autrichien Peter Handke. Ce «poème dramatique» avait été créé en France en 1984 par Claude Régy. Composé de monologues, il fait la part belle au verbe et à une poésie, parfois absconse. Gregor (Laurent Sauvage) devenu écrivain revient dans son village natal pour régler une affaire d'héritage avec son frère, ouvrier dans le bâtiment (Stanislas Nordey) et sa sœur (Emmanuelle Béart), vendeuse, «sans déplaisir, mais sans haine, ni passion». Ce récit autobiographique est du pain bénit pour Stanislas Nordey, il lui permet de célébrer la langue avec une troupe qu'il connaît bien. Outre son compagnon de route, Laurent Sauvage, saluons Annie Mercier, énergique intendante de chantier, et Véronique Nordey, sa mère. Le travail de Stanislas Nordey repose sur la transmission de la parole et le jeu, quasi parfait, des acteurs au détriment de la mise en scène. Avec lui, les comédiens ont l'opportunité de montrer l'étendue de leur savoir-faire.

Métaphorique et philosophique

Face au spectateur, à tour de rôle, droits comme des «i», figés dans des attitudes hiératiques, ils disent, racontent, exhortent, haranguent, reprochent, crient, supplient, menacent, s'attristent, prédisent. Distinctement. À l'instar d'un coryphée, tandis que les autres écoutent et regardent. Saisis comme des chiens d'arrêt. Le public, lui, n'aura pas cette capacité marmoréenne de concentration. Entre le soleil se couchant - le spectacle commence à 21 heures - et la nuit noire, il se perd un peu dans des circonvolutions métaphoriques et philosophiques.
Peter Handke part de son vécu pour évoquer la condition sociale, humaine, s'interroger sur la réalité et les rêves, mais l'heure avançant, il est de plus en plus difficile de le suivre à la lettre. Des mélodies et même des sons de cloche joués en direct sur une guitare électrique ne parviennent pas à maintenir l'attention jusqu'au bout. Le monologue de Jeanne Balibar, curieuse pythie à talons et mains dans les poches d'un jean, nouvelle recrue du metteur en scène, achève de décourager le spectateur le plus motivé. Le flot continu de paroles qui l'a d'abord happé et fasciné l'emporte dans une vague d'où émerge une profonde lassitude.
• Cour d'honneur du Palais des papes, Avignon (84). Le 8, 10, 11, 12 et 13 juillet. Pièce éditée chez Gallimard. Location au 04 90 14 14 14. Du 5 au 30 novembre au Théâtre de la Colline, Paris (XXe) et en tournée.
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